Sylvie Neeman Romascano

Rien n'est arrivé

« Que cela arriverait un jour, qu’on serait là, dans ce train en partance, la tête et le cœur chavirés, c’est comme si on l’avait toujours su, comme si chaque heure vécue ne l’avait été que pour nous rapprocher un peu plus de celle qu’on avait tant de fois imaginée et redoutée, peut-être rêvée aussi, et l’on pensait bien que ce serait déclenché par un coup de téléphone trop tardif ou trop matinal pour ne pas faire battre le coeur – »

Dora a pris le train pour le Sud, parce que son père est mourant. Au wagon-restaurant, un homme charmant s’assied en face d’elle et engage la conversation. Finalement, Dora descend du train avec lui à mi-parcours, et arrivera à destination avec un jour de retard. Son père est déjà enterré, son frère disparu à nouveau, et le ménage pratiquement liquidé. Sur le chemin du retour, Dora tente de classer ce qui est arrivé, ce qui aurait pu arriver et ce qui n’est pas arrivé du tout. Jusqu’à ce qu’elle réalise d’un coup qu’il lui manque quelque chose : quelqu’un qui l’attende à la gare. Encore une fois, elle croit voir l’homme du train, ce qui la tire de ses rêveries.
Il ne se passe pas grand-chose dans le roman de Sylvie Neeman Romascano « Rien n’est arrivé », et ce qui arrive s’est-il réellement passé ? Par exemple l’histoire que l’homme raconte : il aurait reçu d’un inconnu une lettre, une lettre d’adieu, qu’il veut remettre personnellement à la destinataire. Pendant son voyage en train, la narratrice plonge dans un flot de pensées fugitives, titubantes, dans lequel elle s’observe elle-même avec une grande précision, hésitant entre « on », « elle » et « je ». Dans une atmosphère mélancolique, elle se sent elle-même devenir étrangère. Seule la rencontre avec Francesco la ramène au calme. Sylvie Neeman Romascano raconte ce voyage aller er retour dans le flottement d’une langue légère, mouvante et précise.

(Beat Mazenauer, trad. par Christian Viredaz)

Denoïl, Paris 2001

ISBN: 978-2-88182-863-8