Jacques Mercanton

L'été des Sept-Dormants

«A son habitude, Maria a pris dans le tiroir un de ces disques noirs et vernis, creusés de sillons concentriques, où s'éveillent au passage de l'aiguille les violons et les voix, comme un à un se lèveront les morts, dit-elle, au vol de l'ange.»

Auteur de cinq romans, Jacques Mercanton signe avec « L'été des Sept-Dormants» son chef-d'oeuvre. Lauréat de plusieurs récompenses – prix C.-F. Ramuz en 1975, prix de la Ville de Lausanne en 1982 et prix Gottfried Keller en 1988 —, ce texte très simple, à l'écriture musicale, quasi symphonique, incarne l'attrait de l'auteur pour le concept Mitteleuropa, une Europe centrale unie et cosmopolite, comme celle qu'a pu chanter dans ses écrits Rainer Maria Rilke. Situé dans une pension de famille terrée au coeur d'une forêt de la Haute-Autriche, où séjournent de jeunes adolescents en devenir dont Mercanton va nous conter l'apprentissage sentimental et existentiel, «L'été des Sept-Dormants» est l'oeuvre d'une vie, l'aboutissement d'une quête littéraire où s'entremêlent classicisme hérité du Grand Siècle et néobaroque, maniérisme et audaces syntaxiques.
Empreinte d'onirisme de de métaphysique dans la façon qu'ont ses personnages de questionner la vie, l'écriture mercantonienne prend la forme de subtiles circonvolutions portées par un puissant souffle poétique. Pour le définir, le Lausannois a un jour parlé de somnambulisme, comme si les mots lui étaient dictés par son subconscient. Après la publication de ce roman à la dimension testamentaire qui en fera définitivement un des grands noms de la littérature romande de l'après-guerre, il n'écrira plus que quelques articles. Comme si sa rédaction l'avait vidé, épuisé.

(Stéphane Gobbo)
Ce texte a été publié pour la première en 2013 dans L'Hebdo Hors-série «Littérature Suisse, 100 livres essentiels».

L'Age d'homme, Lausanne 1980